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La revanche des sorcières post-#metoo : « Les rituels sont des moments précieux pour s’arrêter dans un monde en accélération »

La fumée se répand autour de l’autel. Un bâton d’encens d’aubépine à la main, Tifenn-Tiana Fournereau, la trentaine, se recueille devant les éléments disposés dans son appartement de Saint-Ouen, en région parisienne : des pierres, cartes de tarot, bougies et un crâne de renard. Mentalement, elle dépose ses « intentions » pour la saison à venir, comme l’y invite la fête de Beltane, qu’elle célèbre.
Honorant le début de la période « claire », liée au printemps, cette fête est célébrée le 1er mai sur le calendrier auquel se réfèrent les adeptes de la sorcellerie. Il compte treize lunes, ainsi que huit fêtes, dont fait partie Beltane, aussi appelées les « sabbats ». Pas de veillées démoniaques, comme le veut la légende noire de la sorcellerie. Mais des rites de « protection et de libération », impliquant souvent des plantes préparées en boisson ou brûlées, explique Tifenn-Tiana Fournereau, une de ces sorcières version 2024.
Elle qui a grandi en partie à La Réunion, île à « l’héritage mystique », est attirée tôt par l’occulte. Gamine, certaine de dialoguer avec les morts, elle est déjà surnommée par ses proches la « petite sorcière ». A l’époque, la jeune fille a parfois tendance à masquer ses croyances, de peur d’être marginalisée à l’école.
Aujourd’hui, côté face, elle se dit « slasheuse » à l’instar d’une partie de sa génération, cumulant les activités : assistante marketing, rédactrice pour des magazines ou musicienne, avec le pseudo La Voisin, hommage à cette « empoisonneuse » sous Louis XIV – que Tifenn-Tiana Fournereau voit plutôt comme « une féministe qui aidait à se débarrasser des maris violents ». Côté pile, elle propose des séances comme médium, et scande son quotidien de rituels ésotériques.
C’est que désormais la magie et ses symboles s’affichent partout sur Instagram, TikTok et en librairie. Depuis 2018, en partie dans le sillage de #metoo, la figure de la sorcière et l’univers spirituel qui l’entoure, inspiré de traditions païennes, connaissent un véritable engouement, en particulier auprès des jeunes femmes. Fin 2020, une étude menée par l’IFOP déclarait que 40 % des moins de 35 ans « croient en la sorcellerie », le chiffre montant à 53 % chez les femmes de 25 à 34 ans.
Pour cette génération, se réapproprier cette image féminine longtemps diabolisée constitue une manière de « retourner le stigmate ». « La sorcière est une femme rebelle qui s’émancipe des normes, quitte à être brûlée vive », estime Tifenn-Tiana Fournereau. Durant la Renaissance, le qualificatif fut utilisé pour persécuter et assassiner des milliers de femmes jugées trop indépendantes : souvent affranchies de toute tutelle, âgées ou sans enfant, comme le montre Mona Chollet dans son best-seller Sorcières (La Découverte, 2018), vendu à plus de 350 000 exemplaires.
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